« Le monde de Caroline Delannoy est d’abord celui d’objets de forte présence visuelle et matérielle qu’elle se plait à nommer Totous. Ce sont des sculptures archaïques, instinctives et non dénuées de magie. Objets naturels à l’origine (bois flottés, branches singulières) éléments de la nature doués d’une vie propre qui facilite leur personnalisation : la montagne semble elle-même se couvrir de nuages et l’arc ou la lance se parent de plumes, de tresses enturbannées, dentelles et ficelles, de tissus vifs, chatoyants et moirés aux couleurs jubilatoires, tous ensembles noués, liées et reliés. Ce sont des objets transitionnels habités par le retour à sa corporalité, sa pure couleur : son retour aux sources.
Si le Totou peut être pensé comme tout ou partie d’un corps vivant, ce qui importe c’est de comprendre que l’objet nommé Totou n’est pas une idole, Caroline n’est pas dans une logique de re-présentation et d’imitation, mais dans celle de la présence dans le visible d’une puissance de type chamanique
Cette présentification matérielle de l’invisible est assurée par les gestes rituels de son processus créatif : couture, tressage, tissage, tricotage ainsi que dans les matières dont sont parés les Totous : fils, laines, plumes, perles, rubans, dentelles, formant là des tensions ou ici des replis douillets.
En habillant un bois brut, elle crée des espaces intérieurs de douceur, des intimités, des anfractuosités, des arcs tendus qui jouent comme des pièges à regards, des trappes à vision. Des pleins et déliés qui renvoient à l’essence de l’enfance, de la féminité du corps, du retour en soi-même : ses thèmes récurrents qu’elle laisse directement jaillir de ses mains. Mais également à sa fascination pour l’art brut et les costumes et objets rituels d’Océanie, d’Afrique et des Amérindiens : dans la profusion des matières et des symboles et surtout pour leur dimension spirituelle et mystique. » E Arnal